Transports en commun et pollution de l’air : la menace invisible
Alors qu’Emmanuel Macron souhaite le développement des RER dans dix métropoles, une question ne doit pas être écartée : celle de la qualité de l’air dans les enceintes ferroviaires. Un sujet de santé publique majeur qui nécessite des actions concrètes au plus vite.
Voyager en transport en commun, c’est faire un geste pour l’environnement. En moyenne, un déplacement en train émet 10 fois moins de CO2 que le même trajet en voiture et jusqu’à 50 fois moins de CO2 que l’avion. De quoi se déplacer sans pollution ? Pas si vite ! Peu nombreux sont les usagers qui en ont connaissance, mais l’air le plus pollué de France se trouve dans les enceintes des métros ou RER. “Un niveau de pollution extrême qui entraînerait des mesures d’urgence s’ils étaient enregistrés en extérieur ”, dénonce le journaliste Hugo Clément dans un reportage de juin 2020, faisant sien les résultats d’un rapport d’expertise de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses).
RER, métro : un air chargé en particules fines
Cet avis de l’Anses estime que “depuis le début des années 2000, des mesures de la qualité de l’air dans les enceintes ferroviaires en France ont mis en évidence des concentrations en particules en suspension dans l’air (PM10, PM2,5 en µg.m-3) en moyenne trois fois plus élevées que dans l’air extérieur urbain.” Une première étude, menée en 2019 par l’association Respire, dénonçait déjà des quantités affolantes de microparticules : “Dans certaines mesures, la concentration de PM1 atteint 30 μg/m3, ce qui est considérable pour des molécules de cette taille et qui n’est jamais atteint en extérieur. Nos mesures montrent, sur le quai du RER A, dans la station de Gare de Lyon, entre 300 et 800 particules par cm3. Soit 300 et 800 millions de particules par m3.” Une première étude, menée en 2019 par l’association Respire, dénonçait déjà des quantités affolantes de microparticules : “Dans certaines mesures, la concentration de PM1 atteint 30 μg/m3, ce qui est considérable pour des molécules de cette taille et qui n’est jamais atteint en extérieur. Nos mesures montrent, sur le quai du RER A, dans la station de Gare de Lyon, entre 300 et 800 particules par cm3. Soit 300 et 800 millions de particules par m3.”
Les freins et les pneus au banc des accusés
Alors, pourquoi un air si pollué dans les gares RER et les métros ? Des particules fines se créent avec l’usure du matériel lié au frottement des freins et des roues sur les rails. Le niveau de pollution est à mettre en corrélation avec le type de matériel utilisé, la fréquence des trains, l’aménagement des stations ou encore l’efficacité des systèmes de ventilation. “Le pire étant les métros sur pneus, car en plus des particules de friction liées au freinage, on retrouve d’importantes quantités de particules issues de l’usure des pneus. D’autant plus que, souvent, pour augmenter le trafic, notamment en heures de pointe, les conducteurs se retrouvent à freiner au dernier moment. Plus vous freinez fort, plus vous produisez des particules“, constate Jean-Baptiste Renard, Directeur de recherche au CNRS et membre du conseil scientifique de l’association Respire. Cette pollution impacte aussi la qualité de l’air extérieur car elle est rejetée via les bouches d’aération. Une étude de Respire estime ainsi que “ la pollution aux particules (PM10, PM2,5 et PM1) est deux fois plus élevée aux abords des bouches d’aération que dans l’air extérieur urbain.” “Ne laissez pas vos enfants jouer sur ces souffleries ! Les dépassements atteignent parfois jusqu’à dix fois les valeurs de l’air extérieur, sur certaines tailles de particules fines (2 à 3 μm)”, insiste Jean-Baptiste Renard.
Un danger méconnu mais majeur
Les dangers pour la santé sont réels pour les employés comme pour les usagers. L’ANSES souligne ainsi que “les données épidémiologiques et toxicologiques suggèrent la possibilité d’effets cardiorespiratoires compte tenu des modifications biologiques observées en lien avec l’inflammation, le stress oxydant et la fonction cardiaque autonome”.Les particules fines s’infiltrent profondément dans nos poumons, pénètrent dans notre sang. Inhalées quotidiennement, elles peuvent générer des maladies comme le cancer des poumons, des risques cardio-vasculaires, des infarctus… “Le risque est conséquent car nombre des particules identifiées sont ultra-fines. Plus elles sont fines, plus elles vont aller profondément dans l’organisme. Pour ne rien améliorer, elles contiennent du carbone, ce qui est particulièrement dangereux”, estime Jean-Baptiste Renard. “Les personnes les plus exposées sont celles qui fréquentent ces espaces au quotidien. En virus, on parle de charge virale. C’est à peu près la même chose pour les particules fines. Si vous êtes exposés pendant quelques heures ou quelques dizaines de minutes à des niveaux importants, l’effet cumulatif est bien réel. Alors, vous pouvez imaginer la menace pour ceux qui travaillent en permanence dans de telles conditions ”, conclut Jean-Baptiste Renard.
Des solutions face à la pollution
Malgré tout, Jean-Baptiste Renard salue les avancées actuelles : “ Le vent tourne. Depuis peu, nous observons une vraie prise de conscience de ce problème, avec des études qui sont engagées pour limiter les sources de pollution. Évidemment, tout ne pourra pas être résolu en six mois. Mais la volonté d’essayer de trouver des solutions nous semblent une démarche encourageante. Finalement, c’est un peu la même attitude que lorsque nous avons réalisé le danger du diesel, mais avec un certain retard.” Alors comment réduire la pollution dans les transports en commun ? Des solutions existent. Renforcer la ventilation dans les rames et les stations à condition de filtrer l’air avant de le rejeter à l’extérieur. Systématiser le freinage régénératif. Aspirer les particules fines à la source. Autant de mesures à intensifier pour un air plus sain dans les transports en commun. En attendant, si vous vous posez des questions en tant qu’usager, Jean-Baptiste Renard vous invite à ne pas délaisser les transports en commun, mais à rester confinés en cas de pic de pollution : “ Un jour de grande pollution, si vous prenez en plus les transports en commun, vous allez subir une double peine : la contribution de la pollution extérieure, plus celle inhérente au transport lui-même. Ce n’est vraiment pas conseillé.” Message reçu.